TEMOIGNAGE 
LA DEPORTATION EN POLOGNE GRAUDENZ : DÉNOMMÉE LA “FORTERESSE DE LA MORT LENTE” 
La ville de GRAUDENZ était désignée comme la ville prison pour son nombre d’établissements pénitentiers. La forteresse avait été mise à la disposition des autorités militaires nazies, dès 1941, pour y incarcérer les prisonniers de guerre français condamnés. Cette forteresse servait déjà à l’emprisonnement des soldats réfractaires ou aux militaires allemands ayant commis quelques larcins. 
Il n’était pas rare la nuit d’être réveillés dans les cellules par l’écho lugubre du bruit des armes automatiques des gardiens, qui toutes les nuits fusillaient un certain nombre de leurs compatriotes. 
A cette époque, on y apercevait aussi des soldats de la L.V.F., mais nous ne savions pas pour quelle raison. 
Les prisonniers de guerre français condamnés étaient alors déportés en POLOGNE dans cette forteresse et ses annexes pour y accomplir leur condamnation. Dès l’entrée dans la forteresse, les gardiens allemands se ruaient sur les prisonniers de guerre nouvellement arrivés et les passaient à la fouille et cela jusqu’au plus profond de leur intimité. A part leur tenue militaire et quelques effets vestimentaires, tout, absolument tout, leur était supprimé : objets personnels, montre, couteau, lames de rasoir, tabac et cigarettes, allumettes, briquet, livres et toutes lectures, papier à lettres, crayon, plumes sans omettre toute nourriture quelle qu’elle soit, qu’ils aient pu emporter avec eux. 
Les paroles d’accueil du commandant ROZE qui commandait la forteresse étaient des plus rassurantes “VOUS ETES DE LA VIANDE MORTE POUR VOS FAMILLES“, sans commentaire. 
Le sadisme de nos geôliers n’avait pas de limite, leurs coups pleuvaient sur nos corps décharnés, quant à leurs hurlements, ils étaient comparables à une meute de chiens qui partait pour une chasse à courre. 
Les exercices, dont le fameux, “MARCH-MARCH” leur était le plus familier, c’était chaque jour qu’ils y étaient contraints, et cela à de nombreuses reprises. 
Même la nuit, ils les réveillaient sournoisement et les contraignaient à l’exécuter, nus pieds, en caleçon, et par tous les temps, pluie, boue, neige, glace et souvent par moins -25° sans oublier le vent violent de la Vistule, qui s’infiltrait facilement dans leurs effets sur leurs corps glacés. 
Quant à la nourriture n’en parlons pas, elle était pratiquement inexistante, le matin un demi-litre d’eau tiède soi-disant aromatisé avec de l’orge grillé, le midi un demi-litre de soupe faite avec quelques kilos de rutabagas dans une grande quantité d’eau. 
Ces deux breuvages incolores, n’avaient ni goût, ni odeur, et comme les colis personnels, ceux de la Croix Rouge Française et de la Croix Rouge Internationale étaient “interdits”, ils dépérissaient à vue d’œil. 
En deux mois chacun perdait de 30 à 35 kilos de son poids initial, ils devenaient alors des squelettes ambulants. Le courrier était très rare, et pour ceux qui arrivaient, ils devaient attendre plusieurs mois avant d’en recevoir, et encore à condition que la censure ne le supprime pas, car il n’était pas rare, lorsque que par chance une lettre arrivait qu’elle ait de nombreuses lignes effacées. 
De cette forteresse de Graudenz, 17 annexes en dépendaient, c’est ainsi qu’au sud de la POLOGNE, des camarades dépendaient des camps d’EHRENFORST, de HEYDEBRECK et de BLECHHAMMER, c’est d’abord dans ce pays BLECHHAMMER qu’existait une usine I.G. FARBEN et où tous les incarcérés de ces camps travallaient. Employés à la terrasse principalement et à d’autres dures corvées, de loin ils cotoyaient les jeunes juives qui dépendaient du camp d’AUSCHWITZ et de BIRKENAU, elles mêmes employées dans cette usine. 
Madame Simone VEIL, qui a reconnue avoir travailler dans cette même usine, ne savait pas que les prisonniers qu’elle apercevait de loin étaient des prisonniers de guerre Francais punis et soumis au même régime, chambres à gaz et fours crématoires en moins. Ce qui, à l’époque, ne nous paraissait pas un détail ! (Se reconnaîtra qui veut.) 
Dans le nord du secteur de la forteresse, elle même située dans le fameux couloir de DANTZIG, les prisonniers punis ont été contraints de construire une digue de plusieurs kilometres de long, pour protéger les récoltes contre le débordement de la Vistule au moment de la fonte des neiges. 
Bien des Polonais aujourd’hui ignorent que cette digue qui protège leurs récoltes a été construite par des forçats prisonniers de guerre, avec leurs mains et leurs larmes. 
CONCLUSIONS ET COMMENTAIRES. 
Ce récit bien modeste et surtout bien incomplet, survole cette période de la captivité, et compense quelque peu le mutisme incompréhensible que laFRANCE“reconnaissante” observe à leur égard; 
c’est pourquoi des commentaires s’imposent: 
En premier lieu, je souhaiterais citer Monsieur POIGNY, Officier français membre actif de la mission SCAPINI, qui déclarait en 1985, au sujet de la Prison Forteresse de GRAUDENZ :“Je ne comprends pas pourquoi GRAUDENZ a été plus ou moins éclipsée des livres sur la captivité, car c’était sûrement le camps le plus dur de tous les camps. J’ai souvent visité GRAUDENZ et ses Annexes, chaque fois j’y ai laissé un peu de moi même; j’ai beaucoup oublié, car j’ai maintenant 70 ans, mais il me reste une certaine amertume et le sentiment d’une injustice vis à vis de GRAUDENZ.” 
A la lecture de cette déclaration, il faut préciser que la mission SCAPINI n’eut l’autorisation de visiter ces camps, GRAUDENZ et ses Annexes qu’en fin d’année 1943; qu’auraient pensé cette mission et cet officier français s’ils avaient visité ces camps au cours de l’année 1942 ? Ils auraient alors pu se rendre compte dans quel état de maigreur ces hommes prisonniers de guerre punis, certes, étaient contraints de travailler à bout de force par toutes les intempéries et sous les coups. 
Une autre visite sensiblement à la même époque, mais cette fois par la Croix Rouge de GENEVE; au camp de STEINDORF, annexe de GRAUDENZ. A la question, “vous n’avez rien à déclarer”, je suis sorti des rangs vivment repoussé par l’un des membres de cette commission qui me déclara, “nous ne pouvons rien pour vous, car du fait d’avoir enfreint les lois allemandes, vous êtes considérés par votre gouvernement de VICHY comme ressortissants allemands”. Sans commentaire, si ce n’est que je cherche encore aujourd’hui le sens de cette question. 
Enfreindre les lois allemandes en leur tenant tête, refuser de travailler, contredire un interlocuteur, s’évader, étaient-ce les raisons d’être considéré comme ressortissant allemand ? 
Ces écrits historiques, mais bien incomplets mériteraient d’être complétés, car beaucoup d’évènements sont passés sous silence, le but est de montrer au monde ce que la FRANCE cache à son peuple en refusant de tendre le micro, à ces prisonniers de guerre français, qui furent les premières victimes de cette guerre et dont chaque famille Française était touchée, par l’absence de l’un des leurs, en captivité. 
Ces hommes qui n’ont jamais quitté l’uniforme français durant ces cinq longues années, n’auraient-ils pas droit à la reconnaissance de leur Patrie, d’autant qu’ils ne sont pas responsables de cette guerre et encore moins de la défaite de la FRANCE.Seraient-ils eux aussi des détails pour nos gouvernements successifs ? 
Ce mutisme sur leur vie là-bas est bien orchestré et doit bien avoir une raison qui interdit qu’on leur donne la parole? Qui controle cette interdiction qui se perpètue ? 
Malgrè la grande richesse de la langue Francaise, l’on ne peut découvrir de mots assez puissants et explicites, pour que le lecteur comprenne vraiment ce que fut le calvaire, de ces jeunes hommes en exil et qui ont perdu les plus belles années de leur jeunesse, pour rien, seuls les mots CALVAIRE et ENFER ont une signification. 
A ce récit nous devons associer nos camarades BELGES, prisonniers de guerre aussi, qui partagèrent nos cellules et ces incroyables épreuves. 
Je suis un prisonnier de guerre parmi tant d’autres approuvé, et encouragé par de nombreux camarades à faire cet exposé historique et authentique qui survole la captivité. 
Cela compensera un peu le mutisme incompréhensible que la PATRIE, reconnaissante observe depuis leurs retours en 1945. 
LA OU LA FRANCE DIT “NON” INTERNET DIT “OUI”,mais cette fois, j’espère que ce sera le monde entier qui en prendra connaissance, et jugera ? 
René BERTON, Président de la commission Historique de l’Union de GRAUDENZ